Les reproches essentiels :
« L’orchestre est fier d’avoir des musiciens israéliens et arabes et vise publiquement à construire des ponts pour la normalisation entre eux. Mais il ne reconnaît ni les droits palestiniens ni ne récuse le colonialisme et l’apartheid.
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C’est la quatrième fois que le Qatar invite Barenboïm bien qu’il soit un sioniste. Même s’il condamne l’occupation de 1967, il rejette également le retour des réfugiés dans les maisons dont ils ont été chassés pendant la nakba [en 1948].
Barenboim tente habilement de rendre présentable l’image d’Israël en acceptant certains des droits des palestiniens, mais simultanément il rejette le plus important de ces droits.
Comment un état Arabe qui proclame son soutien aux Palestiniens peut-il accueillir comme des frères des artistes israéliens sionistes … »
Dès le départ le WEDO a été conçu par Edward Saïd et Daniel Barenboïm comme un pont, sans engagement politique affirmé, considérant cela comme incompatible.
On connaît les positions du grand intellectuel palestinien Edward Saïd. Et qu’en est-il de Daniel Barenboïm ? Barenboïm a systématiquement défendu le droit des Palestiniens pour l’établissement des ses droits nationaux dans les frontières de 1967. Il l’a fait avec un impact médiatique certain à de nombreuses occasions :
• En mai 2004 il reçut le Prix Wolf en Israël et à cette occasion dénonça l’occupation et la domination sur le peuple palestinien, provoquant de vives réactions des autorités israéliennes.
• En septembre 2005 il refuse d’être interviewé par un reporter de la radio de l’armée israélienne en uniforme. En réponse il fût traité de « véritable antisémite ».
• Barenboïm a joué plusieurs fois en Cisjordanie (Bir Zeit et Ramallah).
• En décembre 2007 Barenboïm avec 20 musiciens devait jouer à Gaza. Mais les autorités israéliennes refusant de laisser passer un musicien palestinien, il refuse de passer sans ce musicien et le concert est annulé
• En janvier 2008 il reçoit la nationalité palestinienne. Le parti israélien Shass demande alors qu’il soit déchu de la nationalité israélienne.
• En mai 2011 il conduit un « Orchestre pour Gaza » en entrant cette fois à Gaza par l’Egypte (Rafah). Des centaines de personnes, dont des jeunes, assistent au concert. Dans une interview il dénonce le siège de Gaza comme une punition collective et déclare être Israélien et Palestinien.
Omar Barghouti interprète ces faits comme servant à « blanchir » la politique israélienne.
Aurait-on préféré que Barenboïm se soit opposé aux droits nationaux palestiniens pour qu’il soit clair qu’il n’y ait pas « blanchiment » ?
Espère-t-on rassembler en exigeant de chacun d’être intégralement sur la ligne de PACBI, pour mériter ne pas être boycotté ?
A noter que ce n’est pas la première fois que PACBI soutient le boycott de Barenboïm et du WEDO. Ce fut déjà le cas en Janvier 2010 lorsqu’il y eut déjà une intervention à l’égard du Qatar pour boycotter Barenboïm. A l’époque la tentative échoua. Mais l’année d’avant les pressions firent que Barenboïm annula un concert prévu à Ramallah.
En mars 2010 Mariam Saïd, l’épouse de Edward Saïd, eut une longue réaction pour dénoncer ces actions hostiles à Barenboïm et au WEDO. Elle y défendait le projet de WEDO rappelant au passage que la Fondation Barenboim-Said (BSF) développait de multiples projets en Cisjordanie notamment avec le Centre al-Kamandjati, ainsi qu’à Gaza et dans des camps de réfugiés au Liban. Contestant l’accusation de « normalisation » avec l’occupant elle rappelait que le WEDO incarnait la solidarité contre l’injustice et l’occupation, que des déclarations étaient même publiées dans les programmes des concerts.
Un artiste se bat avec les moyens dont il dispose, avec ses convictions et en utilisant sa notoriété, son accès aux médias. C’est le cas de Barenboïm. Plus près de nous, en France, nous étions très heureux de voir François Cluzet interpeller Jean-François Copé sur Salah Hamouri. A sa manière, avec son humanisme. Courageusement, magnifiquement. De quel droit oserait-on exiger plus ?
Ce n’est pas en se renfermant sur ses propres positions ou en stigmatisant ceux qui n’adoptent pas intégralement notre point de vue, aussi juste soit-il, qu’on créera un large mouvement porteur d’exigences de sanctions contre la politique israélienne, contre les violations du droit international. Bien au contraire, c’est la meilleure manière d’aller à l’échec.
Robert Kissous
1 - http://english.al-akhbar.com/content/israeli-arab-normalization-hits-snag
2 - Le West-Eastern Divan Orchestra a été créé en 1999 par Daniel Barenboim et Edward Said. Cette initiative visait à réunir de jeunes musiciens venant d’Israël, des Territoires Palestiniens Occupés et de pays arabes. Voir le site du WEDO http://www.west-eastern-divan.org/
3- http://electronicintifada.net/content/barenboim-said-foundation-does-not-promote-normalization/8728